Témoignage

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Écoutez ici le témoignage unique d’une femme d’origine laotienne. Fille de parents laotiens ayant immigré au Québec, elle possède un point de vue particulier sur la situation de son pays natal. De ses yeux qui touchent au Laos à travers des conversations avec sa famille, un unique voyage au pays quand elle était petite ainsi qu’à travers ses propres recherches, cette laotienne d’origine nous ouvre la porte à une vision intime et personnalisée du Laos.

Entrevue réalisée le 4 avril 2021 par Alexandre Darmame et Coralie Roy

Retranscription :

Alexandre : Vous nous parliez d’un voyage au Laos, est-ce que cela vous dérangerait de nous en parler un peu plus ?

Boun : Non, c’était il y a 16 ans maintenant. Ma mère est décédée et son voeu final était de retourner à ses sources, donc on l’a ramenée au Laos, c’était pour moi l’occasion de rencontrer ma famille parce que moi ma famille c’était les laotiens au Québec. Mes vrais cousins, mes vrais oncles, mes vraies tantes, c’était partout dans le monde, sauf qu’on était presque les seuls de notre famille immédiate. Il y avait les cousins de mon père, les cousins de ma mère… Ça m’ont permis de me découvrir, de découvrir le pays mais aussi d’affirmer ce que je pensais. Parce que bien sûr quand on est une minorité on cherche toujours son identité, ça m’avait toujours travaillé…

Sans vouloir lancer un autre sujet, j’ai toujours été victime de racisme et il y avait une volonté de comprendre le racisme dans ma recherche d’identité. J’ai appris qu’il y a beaucoup de racisme dans le racisme, il y’a du sous-racisme. En arrivant au Laos j’étais traité d’une part comme la royauté car c’était la première fois que ma famille me voyait, mais d’un autre côté c’était l’étrangère qui arrivait. Je serais toujours l’étrangère, que je sois au Laos, que je sois ici au Québec… J’appartiens à personne, c’est comme ça que je l’ai senti.

En visitant ma parenté des deux côtés de la famille (les deux côtés sont assez nombreux), chaque côté de la famille voulait que je ressemble à mon père ou à ma mère. Comme, ils ne m’avaient jamais rencontré, ils s’étaient fait une idée de moi et je m’étais fait une idée d’eux. Et souvent, les commentaires que je recevais étaient : “Oh ! Tu ressembles tellement à ta mère”, “Oh ! tu ressembles tellement à ton père”, “Oh ! Tu as tellement un accent de telle région parce que ton père vient de telle région” “un accent de ta mère parce que ta mère vient de telle région”…

Le fait est qu’ils voulaient me trouver mon identité, ils voulaient me placer dans l’arbre généalogique. C’était difficile pour eux car ils ne m’avaient jamais rencontré. Ils avaient entendu des histoires de moi et de ma petite soeur qui elle est née au Québec… moi je suis née dans un camp de réfugiés en Thaïlande… c’était une découverte multidimensionnelle.

La première chose qui m’a frappée c’est quand on est arrivés à l’aéroport. Il faut dire que ma famille est très bien connectée au niveau gouvernemental. Mes parents étant des réfugiés politiques, on a encore beaucoup d’oncles et de tantes, de cousins et de cousines qui travaillent au gouvernement. Donc on a eu la permission spéciale de passer très vite au niveau des douanes. On a payé nos frais et tout et tout, mais là on était accueilli comme de la royauté qui revenait d’un exil. Ce qui m’a frappé donc, c’était les drapeaux communistes… Ça m’a fait un coup, ça m’a réveillé : “ah oui c’est vrai c’est un pays communiste, j’avais complètement oublié”. On me l’avait toujours dit mais étant réfugié politique, mes parents m’ont toujours parlé du Laos pré-communiste et le Laos dont je parle c’est le Laos pré-communiste, les chansons que mes parents chantaient c’était des chansons pré-communistes, tout est pré 1975

Le Laos que je découvrais en personne c’était un Laos totalement différent, c’était le Laos qu’on rencontre aujourd’hui sur internet, c’était un Laos textuel… dans les livres d’école, si il y avait un paragraphe sur le Laos… C’était ça ma première impression du Laos, c’était un voyage très court, parce que le visa ne durait que quinze jours.

Ça m’a permis de me découvrir mais ça a permis également à ma famille du Laos de m’identifier, parce que je n’existais pas pour eux. L’internet n’était pas assez développé à ce moment-là pour qu’on puisse avoir des conversations comme aujourd’hui. Maintenant on est connecté, avec zoom est tout ça, on apprend à se connaître, on est biologiquement connecté, mais on ne se connaît pas. J’ai grandi au Québec, je suis en Europe depuis 15-20 ans, je suis une métisse culturelle, donc eux, c’est comme s’ils avaient à traverser toutes ces tranches de culture pour me connaître, pour comprendre mes décisions et choix de vie… Pourquoi je suis en Angleterre ? Pourquoi je suis au Québec ? Pourquoi je suis passé en France, en Belgique… J’ai fait un parcours qu’ils ne peuvent même pas penser, parce que eux, le parcours normal c’est d’envoyer leurs enfants en URSS, (aujourd’hui la Russie bien sûr) et c’est d’apprendre le Russe, d’apprendre dans le système communiste… Ils ne peuvent pas m’identifier dans ce système-là : “pourquoi parle-t-elle plusieurs langues ?”, “pourquoi elle a choisi la carrière qu’elle a choisie ?”, alors qu’elle aurait pu faire telle chose, telle chose… Pour eux c’était vraiment de me caser, pour moi c’était vraiment de m’affirmer. C’est pour ça que j’ai choisi d’y aller, c’était probablement la seule occasion que j’ai eu d’y aller avec quelqu’un qui pouvait me guider, mon père, parce que je n’avais pas le courage d’y aller seule *rires*.

Alexandre : C’est vraiment incroyable, ça a l’air d’être un voyage qui a été très marquant dans votre vie.

Boun : Oui

Alexandre : Est-ce que ça vous dérangerait que je vous demande un peu plus à propos de la culture lao que vos parents vous ont transmise ? Cet ancien Laos “pré-communiste” si je peux l’appeler ainsi, dont vos parents vous ont parlé… Est-ce que ça vous dérangerait de me parler un peu de la culture “pré-communiste” du Laos ?

Boun : Je peux essayer d’en parler… c’est difficile car je ne connais pas le Laos “Communiste”. Je l’ai connu pendant deux semaines de voyage et les deux semaines de séjour c’était vraiment de me présenter à mes 46 cousins/cousines de premier degré, c’était pas un voyage où je pouvais découvrir le pays en tant que tel. Mais selon les commentaires dont je me souviens c’était surtout : “Ah ! tu manges du riz collant !”, “oh ! tu peux prier comme nous ?, utiliser telle expression en laotien ?”… Pour eux, ceux qui étaient partis du pays, ils ne s’attendent pas que la nouvelle génération de laotiens (hors du pays) parle le laotien ou le comprenne, encore moins de le lire…

Moi j’ai appris à le parler, à le comprendre… On a essayé de m’apprendre à l’écrire et à le lire, j’ai totalement refusé. Pour eux c’était une surprise de savoir que je le parlais si bien… En fait je ne pense pas que je le parle très bien, je le comprends très bien, mais les expressions que mes parents m’ont apprises, c’était pas mal les expressions des années 50, 60 70. Quand je les utilise dans les années 2000, ils sont surpris parce que ça fait longtemps qu’on ne les utilise plus ces mots-là. Sinon c’était un amalgame des dialectes de mes parents, que mes parents au Québec ont amalgués avec le français… Parce qu’à la maison on parlait le laotien, mais mes parents apprenaient le français aussi…

Mes parents m’ont transmis le langage, la nourriture, les chansons… Rien de politique, sauf que moi, j’ai grandi beaucoup avec les adultes de ma famille, qui eux étaient des réfugiés politiques et s’intéressaient toujours à l’avenir du pays. J’ai donc été exposée à un langage politique très jeune, mais je n’ai jamais eu l’occasion de l’utiliser. Je connaissais le langage et quand j’essayais de m’engager dans une conversation politique au Laos, eux ils refusaient totalement parce que moi, j’étais l’étrangère maintenant, moi j’étais la deuxième génération de réfugiés politiques qui ont choisi de partir. C’est là que je me suis rendu compte que le choix de mes parents de partir, ce n’était pas un choix populaire et il faut vivre avec les conséquences de ça. Pour ceux qui sont restés c’est soit ceux qui n’ont pas eu le courage de partir, soit ceux qui ont choisi de rester, soit ceux qui ont essayé de partir mais n’ont pas réussi. Il y’a trois catégories là-bas, et nous on était ceux qui ont décidé de partir et ont réussi. C’est des divisions politiques dans la famille qui restent toujours. On n’en parle pas, c’est un peu comme les référendums au Québec ! Oui ou non… Ici aussi au Royaume-Uni, le référendum du Brexit a divisé des familles… Je me suis rendu compte que ce qui a été décidé par le passé était toujours aussi vivant, même si on n’en parlait pas parce qu’on se disait qu’on a la chance de se reconnecter, de se retrouver, donc on ne va pas gâcher ça !

Coralie : Est-ce que c’était toi qu’on mettait de côté ? ou c’était la famille qu’est parti et la famille qui est restée, on ne parle pas entre ces deux familles.

Boun : C’était des divisions familiales oui ! Parce que mes parents chacun de leur côté avaient beaucoup de frères et soeurs qui s’étaient divisés entre ceux qui restent et ceux qui ont décidé de partir. Évidemment, partir, c’était ceux qui avaient d’abord les moyens et ensuite ceux qui avaient l’éducation… Mes parents avaient les deux.

Alexandre : Est-ce que ça vous dérangerait de nous parler un peu de l’histoire de votre famille ?

Boun : Oui ! en général je peux vous en parler, pas trop spécifiquement parce que je souhaite quand même garder ça personnel. L’histoire est la même pour probablement toutes les familles qui ont réussi à partir. Mes parents étaient plutôt libéraux comparés à leurs frangins, ils croyaient que justement ce régime-là n’allait pas leur permettre de vivre la vie qu’ils voulaient à deux. Ils ont donc choisi de partir, les deux côtés de la famille ont essayé de les convaincre de rester, et je pense que mon père (étant le seul ayant eu accès à des études universitaires dans sa fratrie) avait ses opinions avec son expérience… Puisque c’était un col blanc (travailleur pour le gouvernement), il voyait les choses venir, il pensait à l’avenir, il avait une façon de penser différente de ses frères et soeurs. Ma mère elle était professeure, elle était enseignante au primaire, elle avait elle aussi ses idées…

C’est l’histoire d’à peu près pas mal tous les émigrants de cette première et deuxième vague d’émigration. Ceux qui ont réussi à partir sont arrivés la plupart en Thaïlande et c’est là que je suis née. Je le mentionne tout le temps parce que s’est encore écrit dans mon passeport. À chaque fois qu’on me demande un certificat de naissance, je n’en ai pas et je ne peux pas en demander un parce que je n’en ai jamais eu. Ça a toujours été un problème administratif peu importe où j’allais. J’allais n’importe où en Europe ou en Amérique, ils demandaient toujours un certificat de naissance… Je ne suis pas la seule à être née dans un camp de réfugiés, surtout pas dans les années 2000, il y a des milliers d’enfants nés dans des camps de réfugiés. On me demande souvent si ça affecte mon identité, non, oui et non… Dans le sens que : parce que je n’ai pas de certificat de naissance, je ne suis pas attachée à un territoire et ça me permet de m’ouvrir, ça me donne une identité que d’autres n’ont pas. Ça je pense que c’est l’expérience de pas mal d’immigrants de ma génération… Je suis la deuxième génération, ceux qui sont nés dans des camps de réfugiés ou ceux qui sont nés après l’exil.

Coralie : Est-ce que tu dirais que tu as construit ton identité plutôt que tu te l’aies fait imposer ? Si tu n’es pas rattachée à un pays, tu peux modeler ton identité comme tu le souhaites, ça apporte des plus et des moins mais est-ce que tu as senti qu’on t’a imposé une identité ?

Boun : Surtout à l’enfance et à l’adolescence quand tu cherches ton identité, la personne que je pensais que j’étais c’était la perception d’autrui. Ce n’était pas ma perception de moi, c’était ce que les autres disaient que j’étais. Mais en commençant à voyager (j’ai eu l’occasion de voyager seule vers mes 18 ans) c’est là que j’ai découvert qui j’étais. L’autrui étant un miroir à notre identité, face à lui on se découvre. L’autrui peut essayer de te convaincre de qui tu es, mais c’est à toi de voir qui tu es, de comprendre qui tu es. Comme je voyageais beaucoup à l’époque, j’avais la perception de différentes cultures, populations. J’ai côtoyé des communautés francophones, anglophones, germanophones… c’était le reflet qui m’a fait découvrir qui j’étais. C’est une expérience unique à une personne qui n’appartient pas à la communauté dans laquelle elle évolue. Quand il y a une différence constante entre soi et l’autre, il y a un écart au sein de ta propre identité qui te permet de te refléter dans l’autre. C’est justement les voyages qui m’ont permis cela. Même si à l’époque je ne voyais pas les voyages comme ça, c’était pour moi une sorte de “bucket list”, je voulais juste faire beaucoup de pays, de rencontrer ma famille un peu partout. C’est le processus de les rencontrer qui a contribué à mon identité. Quand tu passes des crises d’identité, d’adolescence, ou des crises de n’importe quel âge, moi j’ai eu cette chance de voyager. Je n’ai pas voyagé pour découvrir le monde, mais en voyageant je me suis découverte moi-même. C’est à ce moment-là que j’ai rencontré mon époux, c’est quelqu’un que je n’aurais jamais pensé épouser ! Mais vraiment pas ! C’était pas l’idéal que j’imaginais à 14 ans et je pensais vraiment pas aboutir dans ma campagne anglaise !

J’avais des préconçus, et j’ai détruit tout ça. Quand les gens me demandent “Where do you come from ?”, je leur réponds “ça dépend” *rire*, “ça dépend de ce que vous voulez entendre”. Je leur dis que j’ai un passeport canadien, et après ça, ça dépend de leur réaction. On peut faire des grandes conversations après cette question, mais ça dépend.

Alexandre : Vous avez mentionné des recherches sur votre culture que vous avez entreprises de votre propre volonté, qu’est-ce que vous avez trouvé ? Qu’est-ce qui selon vous caractéristique le plus le Laos et qu’est-ce que vous avez découvert de votre identité ?

Boun : Je pense que c’était le côté religieux. Mes parents m’emmenaient à la pagode, ils voulaient que j’apprenne toutes les prières, que je participe à toutes les célébrations bouddhistes, que je respecte… Ils savaient que plus tard j’aurais le choix de délaisser cette religion ou même d’en adopter une autre. Mais eux voulaient vraiment qu’on parle le laotien, qu’on pratique le bouddhisme, qu’on respecte nos aînés… Et je pense qu’ils ont réussi à ces trois niveaux-là. Le niveau religieux, je l’ai plus apprécié quand j’ai découvert que ce n’était pas une des trois grandes religions du monde. Que c’était effectivement une philosophie, je me suis sentie encore plus bouddhiste à ce moment. C’est à ce moment que j’ai développé l’intérêt d’être bouddhiste parce que quand mes parents m’apprenaient à prier je l’apprenais par coeur, c’était pas quelque chose que je comprenais. On avait des célébrations, un calendrier, une façon de s’habiller… Mais maintenant je le fais parce que je le comprends. Ça a pris du temps et je ne sais pas pourquoi mes parents ne me l’ont pas expliqué comme je le comprends aujourd’hui, mais eux n’avaient peut-être pas les mots pour me l’enseigner, puis je parlais français et eux avaient de la misère à expliquer des concepts aussi sérieux en français. Les grands mots, les grands termes, je ne les comprenais pas. Aujourd’hui je les comprends, mais je ne les utilise pas dans des conversations, on ne parle pas de religion, on ne parle pas de politique.

Alexandre : Si je peux rebondir, une chose que j’ai remarquée dans les relations internationales concernant les religions qui traversent les frontières comme l’Islam, ces religions varient fortement d’une population et d’une culture à une autre. Je suppose donc que c’est la même chose avec le bouddhisme qui s’est subtilement mélangé avec une culture qui vous a été transmise et peut-être qu’au cours de vos voyages vous avez eu l’occasion de confronter d’autres formes de bouddhisme. Donc pour vous, qu’est-ce que ce serait le bouddhisme “lao” ?

Boun : Selon mon expérience le bouddhisme lao c’est de l’animisme, on croit beaucoup aux esprits, en l’expérience de l’être humain entre le bien et le mal, entre la souffrance et la non-souffrance… C’est le cas dans la plupart des religions ce qui fait que le bouddhisme est vu comme une religion. Pour moi le bouddhisme c’est la sagesse, le calme, c’est une façon de vivre. Quand j’ai appris que le bouddhisme était plutôt une philosophie qu’une religion, j’ai compris que le bouddhisme consistait plutôt à se concentrer à être heureux avec ce qu’on a et non de toujours penser au passé parce que le passé peut avoir de la souffrance. Mais en même temps, pour être heureux il faut souffrir, il faut toujours avoir une polarité entre le bien et le mal, la souffrance et le bonheur… C’est ça que j’en retire.

Il peut y avoir d’autres façons de décrire le bouddhisme au Laos, mais pour moi c’est les esprits. Avant je ne croyais pas aux esprits, mais quand ma mère est décédée, j’ai commencé à lui parler, et elle me répondait ! Dans ma tête, dans mon coeur, et c’est comme ça que j’ai commencé à apprécier le bouddhisme laotien. Parce que je sais qu’elle est là, elle est à travers tout. Il y a beaucoup de signes que je perçois comme sa présence. Malheureusement j’ai perdu beaucoup de membres de ma famille depuis, et c’est comme si je les sentais autour de moi. Je ne sais pas si c’est parce que je le veux, ou si c’est parce que je commence à comprendre, ou si c’est parce que je suis dans la dérision *rires*… Je ne sais pas, je me sens mieux en me pensant laotienne bouddhiste, dans cette définition du bouddhisme. Donc c’est comme si j’avais fait le choix que le bouddhisme laotien c’est de l’animisme, mais c’est de la philosophie aussi. Mais ça c’est mon choix, c’est ma définition. “That’s what I live by”. Mais je sais que mes amis très proches laotiens vont décrire le bouddhisme ancien très différemment, à partir de leurs expériences justement.

Coralie : J’avais une petite question pour finir, À propos de tes amis laotiens, j’imagine qu’il y a une diaspora, je comprends que tu as voyagé et habité à beaucoup d’endroits, est-ce que t’as toujours ce réflexe quand tu arrives dans une ville d’aller voir les laotiens qui y habitent ? C’est quoi la dynamique dans les groupes laotiens ? Je ne sais pas si tu comprends ma question…

Boun : Je pense que oui ! Mes parents m’ont toujours appris à être respectueuse envers tous les asiatiques qu’on rencontrait. Ma mère disait “il faut sourire, il faut sourire, c’est pas grave s’ils sont cambodgiens, vietnamiens… on sourit à un autre asiatique parce qu’on est dans un milieu ‘blanc'”. Et donc pour eux, c’était d’essayer de me connecter à cet aspect asiatique, et moi en voyageant, j’avais au fond de moi ce réflexe de me demander “combien de laotiens qu’y a dans cette ville ?”, avec google c’est plus facile aujourd’hui ! Mais quand j’ai commencé à voyager c’était pas aussi accessible. Donc rencontrer ma famille à plusieurs endroits dans le monde, je rencontrais d’autres laotiens aussi et donc de voir des laotiens partout dans le monde, je voyais bien qu’on avait des choses en commun, mais comme toute personne qui voyage hors de son coin d’origine, on évolue différemment. C’est ça qui fait la beauté de notre famille, j’ai eu de la famille en Argentine qui parle l’espagnol, j’ai de la famille en Californie près du Mexique, j’ai beaucoup de famille à Paris, à Marseille. Mais imaginez les accents qu’on a dans notre famille proche ! Je parle québécois mais quand je vais en France c’est comme si mon accent parisien me rattrapait, parce que j’ai passé beaucoup de temps en France et j’ai comme adopté le vocabulaire français et avec le vocabulaire français l’accent vient presque automatiquement. Mais quand je reviens chez moi en Angleterre ou quand je retourne au Québec, le français se reconvertit en québécois, c’est la même chose quand je parle anglais à l’extérieur, je prends le vocabulaire de l’environnement mais l’accent vient avec.

Donc quand je vais ailleurs j’essaye de trouver cette affinité, ce laotien qui aura la même histoire que moi et voir comment ce laotien a évolué dans son milieu. Et c’est toujours une belle découverte, ça se reflète beaucoup dans la bouffe *rires*. Mes cousins français ils font beaucoup de cuisine fusion *rires*, comme manger du hachis Parmentier avec de la sauce soya. C’est des fusions très simples comme ça, mais quand je les ai vu faire je me disais “*gasp* ils ne peuvent pas faire ça, sacrilège”. Tandis que moi au Québec mes parents m’avaient vraiment fait la différence entre la bouffe laotienne, la bouffe québécoise, on ne mélange pas les deux. En Amérique du Nord, en Angleterre, en France et ailleurs ils ont fait de la fusion dans la bouffe que moi je découvre. Et c’est le fun parce que moi je reconnais l’affinité, c’est comme si je découvrais un autre aspect de la culture laotienne qui a évolué ailleurs. C’est comme la langue française, on dit que le français parlé par les québécois dérive du français du roi de France et qui a évolué. Tandis que le langage en France a évolué d’une autre manière ou certains disent qu’elle a figé dans le temps, je ne sais pas je ne pourrais pas le dire, donc pour moi, quand je vais ailleurs j’essaye de trouver cette affinité avec les autres laotiens.

Quand j’étais en Belgique je me souviens que je me promenais pas dans l’idée de trouver un laotien mais j’ai trouvé un boîte à lettres avec un nom de famille laotienne. J’avais tellement envie de cogner la porte *rires* mais je ne l’ai pas fait. Je me suis dit “oh ! il y a des laotiens à Bruxelles”, j’essaye toujours de trouver un autre laotien/laotienne malheureusement je n’ai pas trouvé dans ma campagne anglaise ici. Je suis sûre qu’il y a des laotiens, je sais qu’il y en a, mais je les ai pas trouvés, même les québécois je les ai pas trouvés. Je sais qu’il y en a beaucoup dans les villes, mais c’est pas la même chose.

Alexandre : Peut-être qu’un jour, un laotien viendra taper à votre porte !

Boun : *rires* Ah, j’ai pris le nom de mon mari !

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Pour la musique: Tingnoinoi

Pour lire: Kay Danes ou Colin Cotterill

Pour cuisiner: Cooking with Morgane