La corruption endémique au Laos permet de concentrer les richesses dans les mains d’un petit nombre d’individus: l’élite politico économique. Dans ce système, les disparités ne cessent de s’agrandir. Il est important d’étudier l’évolution de la corruption au Laos pour mieux comprendre son importance dans la pays aujourd’hui.
Traditionnellement, les structures de pouvoir au Laos fonctionnaient à travers des meuang. À l’intérieur de chaque meuang, les paysans étaient loyaux à leurs chao (seigneur). Chaque meuang était présidé par un chao meuang (prince). Ensemble, les meuang formaient le Meuang Lao, qui avait à sa tête le Roi du Royaume lao du Lan Xang (voir image ci-dessous). À travers cette organisation politique, il y avait dans la culture laotienne un grand respect pour les seigneurs et la royauté, un aspect qui traversa le temps et qui est encore présent de nos jours.
Ces structures sont importantes pour comprendre comment la corruption est implantée profondément dans la culture laotienne. La culture politique du Meuang continua tout au long de la domination thaï (1779-1893) et de la colonisation française (1993-1953). Au moment de l’indépendance du Laos, les familles aristocratiques conservèrent leur statut social et leur influence politique. Certains d’entre eux créèrent donc leur propre parti politique. Ainsi, les aristocrates purent entretenir les relations horizontales et verticales avec la population. À travers des réseaux de patronage, les familles aristocratiques échangeait l’obtention d’un poste dans les services publiques ou une aide financière avec familles plus pauvre, en échange de leur soutien politique.
Lors de la révolution communiste de 1975, ces réseaux, qui existaient depuis longtemps, auraient pu cesser. Cependant, deux facteurs principaux ont permis à la culture de patronage et de corruption au Laos de subsister. Le premier facteur est que le Pathet Lao saisit le pouvoir en exploitant le respect des laotiens pour les familles aristocratiques, respect qui date de la période des Meuang. Ainsi, le parti inclut des aristocrates au sein des représentants du parti. Le deuxième facteur se trouve dans le fait que, malgré une exode des aristocrates, certains membres des familles restèrent au pays pour s’occuper des terrains et accueillir le nouveau régime.
On peut aussi observer une continuité de la culture de corruption laotienne de la part des membres principaux du parti. En effet, certains d’entre eux reproduisirent exactement les mêmes comportements politiques que les familles d’aristocrates: on échange des services (politiques, économiques, sociaux) contre un support politique. Par la suite, les liens entre les familles aristocrates et les dirigeants politiques se solidifièrent. On peut d’ailleurs remarquer que ceux-ci s’officialisaient en arrangeant des mariages entre leurs enfants. Ainsi, on obtiens un accord parfait entre le nouveau pouvoir du parti et les richesse et l’acceptabilité sociale que pouvaient apporter le pouvoir traditionnel.
En faisant un petit retour dans l’histoire politique du Laos, on comprends un peu mieux pourquoi la corruption est une pratique courante au sein du pays.
Source:
Stuart-Fox, M. (2006). The political culture of corruption in the Lao PDR. Asian Studies Review, 30(1), 59-75.