Années 50 : Le gouvernement royal face à la montée du Pathet Lao (1949-1957).

En Mars 1949, le prince Chaoh Boun Ouhm devient chef du gouvernement et commence des pourparlers avec le Lao-Issala pour la réédition du groupe en exil à Bangkok. L’amnistie royale est accordée aux membres du gouvernement à l’exception de Phetsarah et Souphanouvong. En contrepartie, le gouvernement à Bangkok et ses groupes militaires devront être dissous.

Prince Chao Boun-Oum Source :  Dutch National Archives, The Hague, Fotocollectie Algemeen Nederlands Persbureau (ANEFO), 1945-1989. En ligne (consulté le 21 Mars 2021)

Le 25 Octobre le groupe s’auto-dissout officiellement et les membres de l’ancien gouvernement rentrent au Laos sauf Katay qui passe faire un tour en détention à Vientiane pour ses pamphlets anti-monarchiques et Chao Phetsarath qui ne reviendra en Thaïlande qu’en 1957.

Souphanouvong de son côté se replie dans les montagnes de la zone frontalière lao thaïlandaise avec d’autres Lao-Issala ayant refusé l’amnistie.

Souvanna-Phouma, ancien ministre du gouvernement en fuite Lao-issala, crée son propre parti le « Phak lao kao-na » (parti progressiste lao) en 1950, regroupant les anciens lao-issala. Le parti connaît une certaine popularité remportant 16 sièges sur 35 en 1951.

Le retour de Katay don Sasorith après sa pénitence coupe le parti en deux : Les modérés menés par Souvanna Phouna et les radicaux menés par Katay.

Katay don Sasorith. Source : Pinterest.

Pourtant les dynamiques de classes, d’ethnies et de régions rendent difficile la politique et un mécontentement monte rapidement au sein de la population. La démocratie à l’occidentale ne représente pas les réalités du pays et la présence des conseillers français n’aide pas beaucoup. Le régime construit est fragile, et n’inspire aucun sentiment aux lao, ce qui sera une bonne introduction au régime totalitaire à venir.

Le retour du Communisme au Laos et le congrès de Tuên Quang

Les années 50 marquent un fort regain des tensions dans la zone avec le passage définitif de la Chine en tant que pays communiste allié à l’URSS. L’empire du milieu reconnait alors en 1950 la république démocratique populaire du Vietnam et apporte une aide décisive au groupe communiste vietnamien.

Le conflit coréen en 1950 complique encore plus les choses et la France n’ayant plus les moyens de poursuivre ambitions coloniales doit demander de l’aide aux USA.

Le sentiment communiste renaît alors parmi les élites Lao, Phetsarah (toujours à Bangkok) réaffirme la continuation de la lutte en affirmant que le Laos mérite un traité plus favorable avec la France.

Le prince Souphanouvong aussi reprend du service se rendant à un congrès national lao organisé par le comité révolutionnaire de l’est sous protection des vietnamiens.

Ce congrès ayant lieu du 13 au 15 août 1950 à Tuên Quang réunit 150 représentants et invités de tout le pays. Cette rencontre fondamentale dans l’histoire du pays donne naissance au Front Nèo-lao-itsala, nouveau groupe isolant Phetsarath et son mouvement de la cause indépendantiste. Désormais, le leader de la guérilla sera le prince Souphanouvong, et pour l’aider dans sa tâche, une armée et un comité sont mis en place.

Prince Souphanouvong. Source : Fandom Historica, “Souphanouvong”. En ligne “(consulté le 21 Mars 2021).

Le nouveau mouvement pose rapidement des cibles claires pour atteindre ses objectifs :

Le front rejoint d’abord le bloc d’alliance des peuples viet, khmer et lao; association coordonnant les principaux mouvements indépendantistes du Vietname, du Cambodge et du Laos.

D’un point de vue interne, le Nèo-lao-itsala, se concentre sur les minorités du pays en les montant contre le gouvernement royal et la France. Le groupe vise également les petits villages proches des frontières vietnamienne et thaïlandaise, les rattachant un à un à la cause et se rapprochant petit à petit du centre du pays.

La population est endoctrinée, organisée et armée avec pour fin de former des milices villageoises. Le village traditionnellement sous l’autorité des anciens du village, se voit doté d’une organisation parallèle du travail et d’autodéfense et d’un comité reliant le front lao libre aux villageois.

De son côté le gouvernement royal est de moins en moins populaire, notamment dans le cadre de sa lutte contre le communisme. En 1950 éclate une insurrection dans le sud du pays soutenu par le comité indépendantiste. Ce même comité mené par le prince Souphanouvong prend alors le nom de « Pathet Lao » ou « État des lao ».

Image de propagande au Laos. Image non datée.
Source: www.reddit.com

En 1951, des élections portent au pouvoir Souvanna-phouma, chef de file des neutralistes. Celui-ci demande immédiatement l’aide et le financement des américains. La situation semble se calmer sous son action mais le pays est encore très instable.

En 1953 le Pathet-Lao reprend les offensives, aidé par le Vietnam, et d’ici fin 1953 l’organisation est solidement implantée sur plus de la moitié du territoire dans le cadre des guerres d’Indochine.

Vers la paix : La lente progression vers la première union nationale

En 1954 sont signés les accords de Genève prévoyant le retrait des troupes françaises du Laos et la fin des hostilités. Est également prévu que seront prises « toutes les mesures nécessaires pour intégrer sans discrimination tous les citoyens lao dans la communauté nationale ». La déclaration finale de la conférence prend ainsi acte des proclamations d’intention du gouvernement royal de ne pas se livrer à des représailles et de discrimination contre le Pathet-lao et les membres du Nèo-lao-itsala, le gouvernement royal se doit de mettre en application les libertés démocratiques pour réunifier le pays.

Accords de Genève Source : Archives du ministère des affaires étrangères, traités, La Courneuve, réf. 19540059/001. En ligne (Consulté le 24 Mars 2021).

L’arrêt des hostilités est proclamé, bien que cet arrêt prenne plutôt la forme d’un cessez-le-feu pour engager des pourparlers entre le gouvernement royal et le Pathet Lao.

Une rencontre est organisée entre Souvanna-phouma et Souphanouvong mais la question de la réintégration des forces militaires du pathet lao dans l’armée royale pose problème, un désaccord qui ne sera jamais réglée empêchant ainsi toute mesure de paix durable.

La situation est alors ambigüe, le pays n’est pas divisé comme le Vietnam et le groupe révolutionnaire Pathet lao est reconnu internationalement contrairement au comité révolutionnaire du Cambodge. Internationalement, les américains s’affichent prêts à soutenir le gouvernement royal alors que des affrontements parsèment encore le pays.

Le 25 décembre 1955, les négociations atteignent un point mort et les combats se poursuivent.

La même année a lieu la conférence de Bandung, célèbre conférence ayant vu la rencontre des pays du « tiers-monde » soit les pays non alignés durant la guerre froide. Cette conférence aura un effet psychologique important sur le Laos, poussant le pays à la neutralité dans le cadre de la guerre froide.

Conférence de Bandung (1955) Source : Wikipedia, “Conférence de Bandung”. En ligne, (consulté le 24 Mars 2021).

Après la démission de Katay en 1956 (membre du gouvernement royal ouvertement anticommuniste et critiqué par la façon dont il gère les négociations avec le Pathet lao), la situation semble avancer dans le sens des négociations. Comme signe de bon augure, l’année marque la fin de l’exil de Phetsarah toujours à Bangkok.

Un armistice est signé le 31 Octobre et les accords de Vietntiane sont officialisés le 24 Décembre 1956 mettant en place un gouvernement d’union nationale.

Le gouvernement d’union nationale bipartite entre en fonctions le 2 novembre 1957 avec à sa tête Souvanna-Phouma. L’administration en place prendra notamment en compte le prince Souphanouvong.

Drapeau du Royaume du Laos. Source : Wikipedia, “Drapeau du Laos”. En ligne (consulté le 24 Mars 2021).

Sources :

Lévy, Paul (1974). Histoire du Laos. Paris : Presses universitaires de France. 

Souk-aloun, Phou Ngeun (2002). Histoire du Laos Moderne (1930-2000). Paris : L’harmattan.