Le Laos dans l’Indochine française (1893-1945)

Après les accords franco-siamois de 1893 consacrants la promesse du Siam de renoncer à ses ambitions sur les territoires au-delà du Mekong, le Laos fût rapidement intégré dans l’union indochinoise créée par Paul Doumer sous contrôle français.

Quelques caractéristiques du régime français en Indochine sont à souligner :

  • Le régime colonial mit en place en Indochine est extrêmement centralisé.
  • La gouvernance est essentiellement assurée par des corps de fonctionnaires recrutés par concours.
  • Si des indochinois sont admis dans l’administration, ils ne peuvent atteindre des postes supérieurs et sont encadrés par des français.

L’Indochine devient alors le fleuron de l’empire français, un bijou pour l’hexagone à l’image de l’Inde pour l’Angleterre.

Saigon, étant le centre où se déroule la plupart de la gouvernance française, devient la capitale de ce grand territoire continental.

Demeure du gouverneur général à Saigon Source : Wikipedia, “Saigon Governor’s Palace”, (consulté le 16 Mars 2021).

Politique

Le Laos se voit alors divisé en 10 provinces différentes, parmi celles-ci la province de Luang Prabang toujours administré par son ancien roi après accord avec les français, bien que le pays européen se réserve le droit d’encadrer cette administration. On conserve ainsi la structure féodale et le roi est accompagné de trois hauts dignitaires français remplissant des rôles de ministres.

Si la France se contente d’orienter l’administration déjà en place au début du protectorat, les territoires passent rapidement complètement sous gouvernance française.

Les cadres administratifs et politiques existants sont d’abord secondés par des militaires puis des fonctionnaires civils français appelés « résidents » menés par un fonctionnaire, le « résident supérieur ». Dans chaque province est établi un résident français, son adjoint et un chef de la garde indigène.

Comme le Cambodge et le Vietnam, les provinces du Laos sont sous le pouvoir d’un gouverneur général de l’Indochine au sommet de la pyramide de commandement. C’est ce fonctionnaire haut placé qui décide des grandes orientations des politiques coloniales et veille à leur application.

Le Laos est cependant voué à une double impuissance d’un point de vue politique. Ce car les français occupent l’ensemble des hautes fonctions, ne laissant que les postes subalternes qui sont eux occupés par les Vietnamiens venus travailler au Laos dans le cadre du régime colonial.

me chose du côté la police qui est dirigée par des français mais composée de Vietnamiens. Une police qui sera plus tard secondée par la “sûreté”, organisme de répression des révoltes indochinoises.

Administration et police s’installent dans les plaines du Mekong, les montagnes ne représentant pas d’intérêts économiques et étant plus complexes et couteuses à surveiller. Ce détail a son importance puisqu’il permettra la création de maquis lors des mouvements de libération au cours du vingtième siècle.

L’Indochine fera partie des colonies contribuant le plus à la Première guerre mondiale en termes matériels et humains. La colonie est encouragée à participer à l’effort de guerre par la promesse des français de plus inclure les populations dans les processus de décision, promesse que la France tiendra partiellement à la fin de la guerre. En effet, en 1923, un conseil consultatif au niveau national est mit en place au Laos rassemblant le sud, le centre et le nord. Pour la première fois depuis le démembrement de l’Empire au 18e siècle, le Laos est rassemblé dans une structure gouvernementale unifiée composée uniquement de laotiens. Malgré tout, cette instance restera au second plan de l’organisation politique.

Soldats indochinois dans la première guerre mondiale. Source : France 24 (2014), “Grande Guerre et colonies : l’armée française était-elle raciste ?”, consulté le 16 Mars 2021.

Droit

La première institution judiciaire centrale au Laos est mise en place entre 1895 et 1896 sous l’impulsion du gouverneur général Rousseau.

3 types de tribuneaux sont créées :

  • Les tribunaux indigènes : mis en place pour juger de petits délits en matière correctionnelle.
  • Les tribunaux civils et commerciaux : dirigés par des notables lao jugeants selon leurs coutumes.
  • Les tribunaux provinciaux : composés d’un commissaire du gouvernement français, d’un fonctionnaire lao et d’un greffier. C’est un tribunal d’appel pour les jugements des tribunaux indigènes et première instance pour les litiges dans lesquels est demandeur un français ou un ressortissant étranger bénéficiant de la protection des autorités françaises
  • Le tribunal supérieur : composé d’un résident supérieur, d’un commissaire du gouvernement et d’un greffier. Le tribunal a compétence pour les crimes et délits ainsi que les appels et litiges entre les différents tribunaux concernant les indigènes.

Une chose frappant du cadre judiciaire est que les français sont complètement omis du système et sont donc techniquement libres de perpétrer des crimes sans être inquiétés par la justice.

Le premier code de lois introduit en Indochine est daté de 1908. Un code spécifique au Laos ne verra le jour qu’en 1928, inspiré de coutumes lao et applicable qu’aux considérés lao (les autres minorités n’ayant que difficilement accès aux tribunaux).

Éducation, Religion et Santé

D’un point de vue éducationnel, le Laos prend beaucoup de retard par rapport à d’autres pays comme le Siam. Le français devient la langue primaire obligatoire et le lao prend la place de “langue secondaire” liée aux activités au sein des pagodes. Le Laos étant considéré comme une colonie d’extraction, les études proposées sont surtout dans le domaine de la traduction.

Les écoles sont au nombre de quatre dans tout le pays et sont surtout réservées à l’Aristocratie. Le pays est si peu développé dans ce domaine qu’en 1945, le pays connaît 95% d’analphabètes.

D’un point de vue religieux, si le christianisme connaît une certaine popularité parmi les Vietnamiens installés au Laos et dans quelques tribus des montagnes, les lao restent imperméables aux tentatives de conversion, le bouddhisme étant trop bien installé dans les moeurs.

Enfin, la France apportera bien quelques avancées d’un point de vue médical et contribuera à la construction d’hôpitaux, mais les efforts sociaux resteront bien insuffisants.

Économie

Si les échanges entre le Laos, le Cambodge et le Vietnam augmentent, ceux entre le Laos et le Siam diminuent. Or ces échanges représentent une lourde partie de la balance commerciale Laotienne. L’activité économie profite surtout aux citadins lao, aux dirigeants européens, aux commerçants chinois et vietnamiens mais n’aide pas les masses paysannes et encore moins les montagnards.

Néanmoins, il faut souligner que les projets de rénovation et de construction français, l’arrivée de la main-d’œuvre Vietnamienne,  les subventions du budget général de l’Indochine et la paix imposée par la France contribuent à une certaine amélioration du niveau de vie.

Billets de l’Indochine française Source : Christelle Bitar sur Redtac, “l’Indochine française”, consulté le 16 Mars 2021.

La province Laotienne connaîtra, durant la colonisation, un déficit budgétaire important du fait du manque de surplus dans la production. Le tout s’expliquant par le bas taux démographique. C’est le Viet-nam qui devra combler ce déficit par des subventions importantes.

La faible densité du Laos suivant les événements de colonisation et les guerres avec le Siam font que le Laos est très peu peuplé provoquant un afflux de Vietnamiens dans le pays.

Pour plus d’information sur le régime colonial en Indochine, voici l’excellent article de Christelle Bitar sur l’Indochine française : http://redtac.org/asiedusudest/2013/11/30/indochine-francaise/

Sources :

Images d’en tête : Marie, Adrien. “A travers l’exposition de 1889”, trouvé sur: Pinterest.

Lévy, Paul (1974). Histoire du Laos. Paris : Presses universitaires de France. 

Souk-aloun, Phou Ngeun (2002). Histoire du Laos Moderne (1930-2000). Paris : L’harmattan.